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Mercredi 22 mai 2024
Nous voilà sur l’île de Pâques, ou Rapa Nui en rapanui. On l’appelle la “grande Rapa” par opposition à Rapa Iti, la “petite Rapa”, qui se situe en Polynésie française, à 3 400 km de là. Nous sommes à plus de 3 700 km de Santiago, dans un lieu parmi les plus isolés. La visibilité est bonne lors de l’atterrissage : nous essayons de distinguer les moaï, ces statues monumentales, et ressentons une émotion particulière.
Nous marchons 1 km jusqu’à l’auberge de jeunesse avec plus de 25 kg chacun. Les courses pour une semaine, achetées à Santiago, pèsent lourd. On économise là où on peut, parce que l’île est très chère pour l’Amérique latine. Nous avons sympathisé avec des Chinois qui ont même ramené toutes leurs provisions depuis la Chine.
À l’auberge, on nous accueille avec des colliers de fleurs. On apprend et retient seulement deux mots en rapanui : iorana (bonjour) et māuru-uru (merci). Nous y croisons aussi trois Taiwanais et une Chinoise avec qui nous avions sympathisé à Punta Arenas. Ils nous font découvrir un jeu de carte qui s’appelle “Stare” en chinois. Les Taiwanais nous partage la soupe qu’ils ont préparée. Décidément, ils sont toujours aussi généreux dans cette culture ! On tente de faire de même, un peu plus tard, en proposant notre curry aux deux autres Chinois sans succès. Fallait-il être plus insistant? C’est même eux qui finissent par nous offrir des encas.
Nous visitons la ville, prenons en photo nos premiers moaï, et nous renseignons pour la plongée. Après réflexion, nous n’allons pas plonger ici. Nous ne sommes pas convaincus par les vidéos promotionnelles du centre de plongée et le moaï à 24 mètres de profondeur est apparemment une réplique pour un film (Placé là par le propriétaire d’un des plus grand centre de plongée sur l’île.
Jeudi 23 mai 2024
Nous croisons par hasard le couple d’Anglais (rencontré pour la première fois à Puerto Varas) qui campent vers le volcan Ranu Kau. Nous allons les recroiser à de nombreuses reprises dans cette petite ville. Ils nous parlent des trois tortues au bord de l’eau.
Nous prenons notre temps et profitons du bord de mer, proche de la ville, entre le volcan et le meilleur point de vue pour le coucher de soleil (Ahu Tahai). Il arrive qu’on salue quelques moaï et d’autres sculptures de style polynésien.
Vendredi 24 mai 2024
Nous avons loué un scooter auprès de l’auberge pour faire le tour de l’île. Un bon prix : 30 000 pesos (30 euros) sans le carburant et 35 000 avec. Il vaut clairement mieux faire le plein soi-même (1.3 euro).
Nous allons à Ahu Tongariki pour le lever du soleil. Nous arrivons un peu tard, car nous avons attendu que la pluie passe. Sans guide, nous ne pouvons pas nous approcher des 15 moaï alignés. Nous les observons de l’autre côté du muret alors que le jour se lève. Nous visitons les quelques endroits qui ne nécessitent pas de guide, comme les plages d’Ovahe et d’Anakena, de loin la plus belle et celle qui a vu débarquer les premiers habitants. On trouve de très beaux moaï de dernière génération (ou presque) sur Anakena.
Samedi 25 mai 2024
Nous visitons le Museo Rapa Nui sans savoir à quoi nous attendre. Des sculptures de l’artiste rapanui Tonfa sont exposées. Je pense qu’il a eu une grande influence sur la manière dont on se représente l’art rapanui. Le reste du musée parle de la culture rapanui. Ces informations nous ont été utiles, car nous n’avons pas eu de très bons guides par la suite. Un bon guide privé ou semi-privé est largement préférable à un tour organisé par une agence. Régis, on aurait dû te contacté !
Je vais tenter de résumer les panneaux du musée à l’arrache.
Rapa Nui est une île volcanique, formée par trois volcans principaux et une multitude de volcans secondaires.
En 500 avant J.-C., les Lapita (ou des semblabes) partent à bord de gros canoës des îles Tonga et Samoa à la recherche d’autres îles et découvrent les îles Cook, Tahiti, etc. 700 ans plus tard, ils découvrent Hawaï, puis Rapa Nui (800-1200) et la Nouvelle-Zélande (800-1000). Ils naviguaient avec les étoiles. Les signes d’une île étaient visibles pour eux de 32 à 48 km, et dans le cas d’un archipel à des centaines de km. Le roi Hotu Matu’a arrive sur l’île à bord d’un double canoë sur la plage d’Anakena, d’après des pétroglyphes.
La société rapanui connait des conflits sociaux vers la fin de l’ère des moaï (17ᵉ siècle) et transitionne vers le culte de l’homme-oiseau (Tangata Manu). Le dieu Make Make était le plus important.
Les Européens rentrent en contact avec l’île en 1722. Arrivée des missionnaires catholiques en 1864.
Le thon était très important dans leur alimentation. Vingt-huit pourcents des 167 poissons de l’île ne se trouvent pas ailleurs. Les rats et les lézards ont été introduits involontairement contrairement aux poules.
Le Mana pourrait se traduire par la force. Il est utilisé par l’Ariki, le chef spirituel.
Le Tapu ou taboue est une interdiction. Par exemple, la partie devant le Ahu (lieu de cérémonie) est interdite ou Tapu. Toucher le Ariki est également Tapu. Tapu aussi sur la pèche en haute mer, pour certains seulement ? Lors de la première récolte, des offrandes sont offertes à l’Ariki avec des célébrations pour lever le Tapu et commencer la moisson.
La plupart des moaï sont taillés dans du tuf volcanique. Le trachyte et le basalte, plus durs, sont aussi utilisés. Le dos était sculpté. Œil de moaï : corail blanc et sco rie rouge.
Ahu moaï, désigne un type de site religieux important avec des moaï alignés sur une plate-forme. Les moaï avaient une fonction commémorative, et symbolisaient le prestige du clan. Ils y auraient eu des tensions sur les ressources comme le bois provoquées par le culte des moaï. Lors des guerres de clans, abattre les moaï de l’ennemi serait une manière de le vaincre, puisque les moaï protègent le village et sont une source de mana.
Il existe plusieurs théories pour expliquer comment les moaï ont été transportés. Elles font toutes appelle à des cordes et des rondins de bois.
Ce soir, il pleut des cordes, et il y a un spectacle de chant gratuit au musée. On hésite pour y aller puisqu’on nous dit que ce serait peut être annulé à cause de la pluie. 5 minutes avant le début du spectacle on nous confirme que le musée est bien ouvert. On saute dans un taxi pour 7 000 pesos (7 euros), 5 minutes de trajet. On arrive 30 secondes avant la fin du spectacle et oui il était en avance de 40 minutes sur l’agenda et nous 20 minutes en retard. On rentre à pied par la côte. Heureusement, il ne pleut plus. On se dit qu’il faut quand même rester spontané sur le reste du voyage. On ne sait jamais ce qu’on peut nous réserver; restons positif ! On traverse un site avec des Moaïs qui sont intimidants dans la nuit. Le cimetière est éclairé par les guirlandes lumineuses et les ampoules que l’on trouve sur de nombreuses tombes.
Une Australienne rejoint l’auberge de jeunesse alors qu’elle était en lune de miel avec son mari chilien et sa belle-mère. Gros clash culturel si j’ai bien compris sa situation. Elle noie son chagrin dans la fumée de cigarette, la bière et les larmes. L’atmosphère est pesante ce soir.
Dimanche 26 mai 2024
Probablement un coucher de soleil à Ahu Tahai comme presque tous les jours.
Une femme de l’auberge s’est faite mordre par un chien errant. De l’avis de beaucoup de gens, les chiens sont assez dangereux ici, et mordent surtout les touristes.
Lundi 27 mai 2024
Aujourd’hui, il n’était pas censé pleuvoir du tout. Quelques gouttes sont tombées ce matin ! La météo est si peu fiable sur cette île, comme nous le répètent les habitants depuis le début.
Nous partons pour un tour guidé dans la partie ouest de l’île. Nous sommes 15 touristes, le bus est rempli, et nous sommes les seuls non hispanophones. Je suis surpris que le guide donne autant d’explications en anglais qu’en espagnole.
Particularités de la culture rapanui par rapport aux autres cultures polynésiennes : son écriture, les lobes d’oreilles étirés, les moaï.
Les moaï sont devenus de plus en plus imposants, entre le 12e et le 17e siècles. Les Ahu, plate-formes, incorporent parfois des anciens moaï, de plus petites tailles.
Derniers détails sculptés après le transport : les yeux et les oreilles. Ils ne font pas les détails pour pouvoir les transporter plus facilement.
Les autres touristes achètent pleins de souvenirs à l’entrée des sites touristiques. Certains semblent aussi intéressés par les objets souvenirs que les visites.
À la carrière/fabrique de moaï, Rano Raraku, ils sont enfoncés dans le sol, car ils ont été partiellement ensevelis, mais leur tête dépasse.
Quasiment tous les moaï finissent à la taille, mais certains moaï sont accroupis, et on voit leurs jambes.
Le plus grand moaï fait 21 mètres de long et n’a pas été terminé.
Le plus grand moaï redressé est à Tongariki et fait plus de 8 mètres.
En plus de la guerre civile, Ahu Tongariki a subi un tsunami. Le Japon a participé à la restoration de ce site. Tous les cheveux, pukao, ont été détruits. Les réparations en béton sont assez discrètes.
Sur le site de Ti Pito Kura, on trouve le plus grand moaï sur une plate-forme qui fait 10 mètres, il n’a pas été redressé. Il s’agit du dernier moai debout a avoir été mentionné dans des récits de voyageurs, passé proche l’île. Parfois les informations du guide sont un peu confuses… Ti Pito Kura est une pierre magnétique qui aurait pu être dans les bateaux royaux pour leur donner plus de stabilité. Il y a peu, ce site ne nécessitait pas de guide.
Magnifique journée pour la plage.
Le guide ne donne pas d’explication à Anakena. Les moaï ont des chignons tous différents !
Les gens ne laissent pas de pourboire. L’excursion nous a coûté 50 euros. Un guide privé n’aurait pas été beaucoup plus cher, voire moins cher avec Régis !
Coucher de soleil, et danse traditionnelle devant Ahu Tahai. Les touristes se font peintre le visage et prennent des photos devant les danseurs aux corps sensuels.
Mardi 28 mai 2024
Nous avons une excursion le matin et une autre l’après-midi pour visiter l’est de l’île. Nous commençons par le site d’Orongo, une sorte de village de cérémonie au sommet du volcan Ranu Kau dédié à culte de l’homme-oiseau – la croyance qui succède aux moaï.
Plutôt que de construire des moaï de plus en plus imposants, chaque clan désigne un champion pour récupérer le premier œuf du manutara, un oiseau migrateur qui fait son nid sur des petites îles à côté de Rapa Nui en septembre. Ces îles ne se visitent plus.
À Orongo, les maisons sont occupées par les chefs de clan, leur femme et des prêtres.
Les seuls moaï en dehors de Rapa Nui sont aux Royaume-Unis (par exemple Stolen Friend au British Museum).
Nous avons visité une des grottes (Ana Te Pahu ou Banana cave, parce que des bananes y poussent), qui est composée de long tunnels et servait de refuge aux habitants (par exemple, lors du passage des navires négriers péruviens qui ont décimé l’île). Sur le chemin de la grotte, de nombreuses fondations de maisons “bateaux”, ces maisons ont une forme de coque de bateau retournée. Et plein de goyaves que nous ne nous sommes pas privés de cueillir.
Quasi tous les moaï regardent vers l’intérieur de l’île (et vont par nombres impairs), sauf les 7 moaï qui semblent regarder vers l’océan. En réalité, ils regardaient le village.
Notre guide de la journée, dont nous sommes très mécontents, est un “chat bot” qui hallucine dès qu’on lui pose une question. Il est plus fiable quand il parle spontanément, mais reste trop mauvais, surtout qu’il a la charge de 20 personnes (qui ont toutes payé 50 euros) ! En anglais, il aligne les mots-clés avec un accent passable. D’ici peu, on pourrait faire aussi bien en espagnole…
Nous assistons au plus beau couché de soleil de notre séjour. Là ou Y perd son article du voyage, sa casquette colorée …
Mercredi 29 mai 2024
Les clients de l’auberge de jeunesse sont assez différents (plus âgés ou moins bavards) de ceux que l’on croise habituellement dans ces hébergements à cause des prix élevés sur l’île, j’imagine.
Les poules et les poussins sont très nombreux.
Nous nous baignons avec les tortues avant de partir pour l’aéroport.
En allant à pied à l’aéroport, on croise les gens qui arrivent. Va-t-on prendre le même avion ? À la sortie de l’aéroport, les gens, qui ont payé un bon hébergement, sont accueillis par des chauffeurs et des colliers de fleurs. On est bien en Polynésie !
Le gérant de l’auberge nous a donné des colliers avec un coquillage et une plume de poulet avant de partir. Dans la tradition, on sert un poulet à ces invités quand ils arrivent et on leur offre ce genre de collier quand ils repartent. Est-ce une attention particulière ?
On nous confisque les fruits et légumes avant le départ pour Santiago, comme lorsque l’on vient d’un pays étranger. Rapa Nui est décidément un territoire à part, même s’il appartient au Chili.
Finalement, nous sommes contents d’être venus, mais nous sommes un peu déçus qu’il n’y ait pas autant de mystères autour de l’île de Pâques que nous le pensions. En tous cas, le tourisme se porte bien.
De nombreux Chiliens du nord du Chili viennent s’installer sur l’île pour la sécurité et la tranquilité. Vu la taille de l’industrie du tourisme sur l’île, j’imagine qu’il y a des endroits plus tranquilles au Chili. Régis, un guide français installé depuis plus de 20 ans, me disait que les Rapanui étaient maintenant majoritaires sur l’île. Pour être Rapanui, il suffit que l’un des deux parents le soit.
Les conditions climatiques sont bonnes. Nous mettons 3h50 pour rejoindre Santiago. Dur de trouver le Uber. Il nous attendait au parking de l’aéroport, car il n’est pas autorisé dans la zone taxi. Pour sortir du parking sans payer, il s’est simplement collé au véhicule de devant.
30 mai 2024
Bus de Santiago du Chili à Mendoza, en Argentine
La pollution se voit sur Santiago. L’indice de qualité de l’air est à 200.
Notre bus Cata est censé partir à 9 h 30 au terminal Alameda. Les passagers voyagent avec énormément d’affaires et des choses surprenantes : télé et caisses de vaisselles. Le temps de charger les bagages, nous partons avec presque une demi-heure de retard. La route qui traverse la cordillère des Andes est très belle. La journée commence bien. Les nombreux lacets sont empruntés par des colonnes de camions et de bus.
Nous arrivons à la frontière à 14 h 30 et nous sommes parmi les derniers bus. L’immigration prend 1 h 30. Aucun contrôle côté chilien. La douane et l’immigration sont du côté argentin. On nous demande le PDI qu’on nous a remis lors de notre entrée au Chili. Pas de tampon sur le passeport.
À côté du bus, un beau bonhomme de neige. Qui a le temps de faire ce genre de chose ? En discutant avec les autres passagers, on apprend que le temps d’attente incluant les douanes sera compris entre 3 et 8 heures. Comme à El Calafate, on nous demande du pourboire pour ceux qui déchargent et chargent les bagages à la douane. Il nous aura fallu 6 h 10 pour passer les douanes et l’immigration.
Il y a clairement une discrimination sur la base du mode de transport. Un seul poste frontière pour les bus (le second est fermé) et 5-10 pour les voitures. Les voitures ne semblaient pas passer pas plus d’une demi-heure à la frontière.
Au moins, nous avons attendu pendant 6 heures dans un très beau cadre. Les gens font preuve d’une grande patience. Le personnel du bus était très sympa : ils ont fait passer une passagère (pressée) dans un bus plus avancé de la même compagnie, aidaient pour l’immigration, collectaient le pourboire pour les bagagistes.
Les douaniers étaient à la recherche du propriétaire d’une valise noire. Notre voisine, de l’autre côté du couloir de bus, s’est fait interroger par le douanier à l’intérieur du bus. Elle a fini par avouer qu’elle avait pris cette valise avec elle pour aider un inconnu et qu’elle avait perçu de l’argent pour ce service. Après lui avoir fait la morale, le douanier est simplement parti. Son grand âge l’a sans doute sauvée.
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